LES EUROCODES

1 Présentation générale

Les Eurocodes sont des normes européennes de conception et de calcul des bâtiments et des structures de génie civil. Elles ont pour objet d'harmoniser les règles de conception et de calcul au sein des différents états européens - membres de l’Union Européenne (UE) et de l’association européenne de libre échange (AELE) - et de contribuer ainsi à la création du marché unique de la construction et au renforcement de la compétitivité de l’ingénierie européenne.

Ces normes forment un ensemble cohérent et homogène de textes et constituent une culture technique commune pour les concepteurs européens.

Elles sont basées sur une approche semi-probabiliste de sécurité des constructions (méthode des coefficients partiels) avec des méthodes de dimensionnement fondées sur le concept des états limites (états limites de service et états limites ultimes). Elles s’appliquent à différents matériaux (béton, acier, bois, maçonnerie, aluminium…) et à différents types de construction (bâtiments, ponts, silos, réservoirs…).

Elles permettent de calculer la stabilité, la résistance mécanique et la sécurité incendie des structures en conformité avec les exigences essentielles de la Directive sur les Produits de Construction CEE 89/106 (DPC).

En France, pour les ouvrages en béton, elles remplacent les règles de dimensionnement (BAEL et BPEL).

Les EUROCODES définissent des exigences fondamentales pour atteindre des niveaux de performances appropriés en matière de fiabilité des constructions dont les 4 composantes sont :

  • La sécurité structurale pour les personnes et les animaux domestiques ;
  • L’aptitude au service, fonctionnement, confort… ;
  • La robustesse en cas de situations accidentelles ;
  • La durabilité, compte tenu des conditions environnementales traduites par les classes d’exposition auxquelles sont soumis les ouvrages pendant leur durée d’utilisation.

Les normes « EUROCODE » permettent une optimisation de la durabilité des structures. Elles supposent que :

  • Le choix du système structural et le dimensionnement de la structure sont réalisés par un personnel suffisamment qualifié et expérimenté ;
  • L’exécution est confiée à un personnel suffisamment compétent et expérimenté ;
  • Une surveillance et une maîtrise de la qualité adéquates sont assurées au cours de la réalisation, dans les bureaux d’études, les usines, les entreprises et sur le chantier ;
  • Les matériaux utilisés sont conformes aux normes appropriées ;
  • La structure bénéficiera de la maintenance adéquate ;
  • L’utilisation de la structure sera conforme aux hypothèses admises dans le projet. 

Les EUROCODES sont un peu moins directifs que les règlements antérieurs, ils laissent au concepteur et au calculateur plus de liberté dans le choix des méthodes de calcul et un plus haut niveau de responsabilité. Le concepteur peut choisir ses méthodes de calcul en fonction de la complexité du problème à traiter.

 

2 Les différents Eurocodes

Les Eurocodes se décomposent en 58 normes regroupées en
10 groupes de normes : (NF EN 1990 à NF EN 1999) :

  • NF EN 1990 Eurocode 0 : Bases de calcul des structures
  • NF EN 1991 Eurocode 1 : Actions sur les structures
  • NF EN 1992 Eurocode 2 : Calcul des structures en béton
  • NF EN 1993 Eurocode 3 : Calcul des structures en acier
  • NF EN 1994 Eurocode 4 : Calcul des structures mixtes acier-béton
  • NF EN 1995 Eurocode 5 : Calcul des structures en bois
  • NF EN 1996 Eurocode 6 : Calcul des structures en maçonnerie
  • NF EN 1997 Eurocode 7 : Calcul géotechnique
  • NF EN 1998 Eurocode 8 : Calcul des structures pour leur résistance aux séismes
  • NF EN 1999 Eurocode 9 : Calcul des structures en alliages d'aluminium  

 

Liens entre les Eurocodes

 

3 Transposition nationale des Eurocodes

Les normes européennes « EUROCODES » ne peuvent être utilisées dans chaque pays qu’après transposition en normes nationales comprennant la totalité du texte des Eurocodes complété par une Annexe Nationale.

Dans chaque pays, l’Annexe Nationale définit les conditions d’application de la norme européenne. Elle permet de tenir compte des particularités géographiques, géologiques ou climatiques ainsi que des niveaux de protection spécifiques à chaque pays.

En effet, le choix des niveaux de fiabilité et de sécurité des projets est une prérogative des Etats. Les Eurocodes offrent la souplesse nécessaire pour que des modulations puissent être effectuées au niveau de clauses bien identifiées afin de les adapter à chaque contexte national.

L’annexe nationale contient en particulier des informations sur les paramètres laissés en attente dans l’Eurocode pour choix national, sous la désignation de PARAMÈTRES DÉTERMINÉS AU NIVEAU NATIONAL (NDP), il s’agit :

  • de valeurs et/ou des classes là où des alternatives figurent dans l’Eurocode,
  • de valeurs à utiliser là où seul un symbole est donné dans l’Eurocode,
  • de données propres à un pays (géographiques, climatiques, etc.), par exemple carte de neige, carte de gel, carte de vent, carte de séismes,
  • de la procédure à utiliser là où des procédures alternatives sont données dans l’Eurocode,
  • des décisions sur l’usage des annexes informatives,
  • des références à des informations complémentaires pour aider l’utilisateur à appliquer l’Eurocode.

Ce sont donc les normes EUROCODES complétées par leurs ANNEXES NATIONALES FRANÇAISES qui doivent être appliquées pour le dimensionnement des structures en France.

 

4 Eurocode 0 : Base de calcul des structures

L'Eurocode 0 (norme NF EN 1990 – « Bases de calcul des structures ») fixe les principes et les exigences pour la sécurité, l'aptitude au service et la durabilité et définit les bases pour le dimensionnement des structures.
Le dimensionnement d'une structure est associé aux notions de durée d'utilisation de projet (durée pendant laquelle la structure ou une de ses parties est censée pouvoir être utilisée comme prévue en faisant l'objet de la maintenance escomptée, mais sans qu'il soit nécessaire d'effectuer des réparations majeures) et de fiabilité (capacité d'une structure ou d'un élément structural à satisfaire aux exigences spécifiées, pour lesquelles il ou elle a été conçu(e)).

Les Eurocodes accentuent la prise en compte de la durabilité des ouvrages en s’appuyant sur la notion de durée d’utilisation de projet qui doit être définie par le Maître d’Ouvrage.

 

Durée indicative d'utilisation de projet selon la norme NF EN 1990 – Tableau 2.1 (NF)

Catégorie de durée d'utilisation de projet

Durée indicative
d'utilisation de projet (années)

Exemples

 1

10

 Structures provisoires

2

25

 Éléments structuraux remplaçables

3

25

 Structures agricoles et similaires

4

50

 Bâtiments et autres structures courantes

5

100

 Bâtiments monumentaux
 Ponts et autres ouvrages de génie civil

 

Les exigences de durabilité doivent être prises en compte en particulier dans :

  • Les conditions d'environnement, traduites par les classes d’exposition,
  • La conception de la structure et le choix du système structural,
  • Le choix et la qualité des matériaux,
  • Les dispositions constructives,
  • L'exécution et la maîtrise de la qualité de la mise en œuvre,
  • Les mesures de protection spécifiques,
  • Les inspections et les contrôles
  • Les dispositions particulières
  • Les niveaux de maintenance …

Pour atteindre la durée d'utilisation de projet, des dispositions appropriées doivent être prises afin de protéger chaque élément structural des actions environnementales et maîtriser leurs effets sur la durabilité.

 

5 Actions et combinaisons d'actions

Actions

Les actions sont :

- un ensemble de forces ou de charges appliquées à la structure (actions directes) ;

- un ensemble de déformations ou d’accélérations imposées, résultant par exemple de variations de température, de tassements différentiels ou de tremblement de terre (actions indirectes).

Elles se traduisent sur les éléments structuraux par des efforts internes, moments, contraintes, ou sur l’ensemble de la structure par des flèches des déplacements ou des rotations.

 

  • Les actions sont classées en fonction de leur variation dans le temps, en quatre catégories :
    • les actions permanentes (G), par exemple poids propre des structures, des éléments non structuraux (revêtements de sols, plafonds suspendus…), équipements fixes (ascenseur, équipements électriques…) et revêtements de chaussée, actions indirectes (provoquées par un retrait et des tassements différentiels) et actions de la précontrainte ;
    • les actions variables (Q), par exemple les charges d’exploitation  sur planchers, poutres et toits des bâtiments, les actions du vent, les charges de la neige, les charges de trafic routier ;
    • les actions accidentelles (Ad), par exemple les explosions ou les chocs de véhicules ;
    • les actions sismiques (Aed). 
  • Les actions sont également classées :
    • selon leur origine, comme directes ou indirectes ;
    • selon leur variation spatiale, comme fixes ou libres ;
    • ou, selon leur nature, comme statiques ou dynamiques.
 
  • On distingue ainsi :
    • les actions statiques : neige, charges de mobilier...
    • les actions dynamiques : trafic, vent, séisme, choc...


Combinaisons d'actions

L’EUROCODE 0 fixe les coefficients de sécurité partiels applicables aux actions (γG pour les actions permanentes, γQ pour les actions variables) et définit les combinaisons d’actions.

La probabilité d’occurrence simultanée d’actions indépendantes peut être très variable selon leur nature. Il est donc nécessaire de définir les combinaisons d’actions dans lesquelles, à la valeur caractéristique d’une action dite de base, s’ajoutent des valeurs caractéristiques minorées d’autres actions.

Les combinaisons d’actions sont définies pour des situations de projets, que la structure va rencontrer tant en phase d’exécution que d’exploitation ou de maintenance : situations de projets durables (correspondant à des conditions normales d’utilisation), transitoires (correspondant à des situations temporaires telle que l’exécution), accidentelles (incendie, chocs) ou sismiques (tremblement de terre).

Les combinaisons d’actions considérées doivent tenir compte des cas de charges pertinents, permettant l’établissement des conditions de dimensionnement déterminantes dans toutes les sections de la structure ou une partie de celle-ci.
 

6 Principes du calcul aux états limites

La méthode de calcul « aux états limites » se fonde sur une approche semi-probabiliste et l’usage de coefficients partiels de sécurité associés, d’une part aux résistances et d’autre part aux actions, qui traduisent les différentes incertitudes liées aux propriétés des matériaux et à la réalisation de l’ouvrage.

Ce type de calcul permet de dimensionner une structure de manière à offrir une probabilité acceptable de ne pas atteindre un « état limite », qui la rendrait impropre à sa destination.

Un ouvrage doit présenter durant toute sa durée d’exploitation des sécurités appropriées vis-à-vis :

- de sa ruine ou de celle de l’un de ses éléments,
- d’un comportement en service pouvant affecter sa durabilité, son aspect ou le confort des utilisateurs.

La vérification des structures se fait par le calcul aux états limites : les vérifications doivent être faites pour toutes les situations de projet et tous les cas de charges appropriés.

On distingue deux états limites :

- ELU : ÉTATS LIMITES ULTIMES
- ELS : ÉTATS LIMITES DE SERVICE


NOTA : Les états limites sont des états d’une construction qui ne doivent pas être atteints sous peine de ne plus permettre à la structure de satisfaire les exigences structurelles ou fonctionnelles définies lors de son projet. La justification d’une structure consiste à s’assurer que de tels états ne peuvent pas être atteints ou dépassés avec une probabilité dont le niveau dépend de nombreux facteurs.

 

7 Analyse structurale 

  • L’analyse structurale permet :
    • de déterminer la distribution, soit des sollicitations, soit des contraintes, déformations et déplacements de l’ensemble ou d’une partie de la structure ;
    • d’identifier les sollicitations aux divers états limites dans les éléments ou les sections de la structure.
  • La géométrie est habituellement modélisée en considérant que la structure est constituée d’éléments linéaires, d’éléments plans et, occasionnellement, de coques.
  • Le calcul doit prendre en considération la géométrie et les propriétés de la structure et son comportement à chaque stade de sa construction.


Les éléments d’une structure sont classés, selon leur nature et leur fonction, en poutres, dalles, poteaux, voiles, semelles, plaques, arcs, coques, etc…

Les modèles de comportement couramment utilisés pour l’analyse structurale sont :

- Comportement élastique linéaire ; l’analyse linéaire basée sur la théorie de l’élasticité est utilisable pour les états limites ultimes et les états limites de service en supposant des sections non fissurées, un diagramme contrainte-déformation linéaire et des valeurs moyennes des modules d’élasticité ;

- Comportement élastique linéaire avec redistribution limitée ;

- Comportement plastique, incluant notamment la modélisation par bielles et tirants et les rotules plastiques ;

- Comportement non linéaire (flambement par exemple).

NOTA : Une analyse locale complémentaire peut être nécessaire lorsque l’hypothèse de distribution linéaire des déformations ne s’applique plus, par exemple : à proximité des appuis, au droit des charges concentrées, aux nœuds entre poteaux et poutres, dans les zones d’ancrage.
 

8 L'Eurocode 1 : Actions sur les structures

L'Eurocode 1 (norme NF EN 1991) traite des actions pour le calcul des structures. Il est composé de 10 normes :

  • NF EN 1991-1-1 : Actions générales – poids volumiques, poids propres, charges d'exploitation des bâtiments
  • NF EN 1991-1-2 : Actions générales – Actions sur les structures exposées au feu
  • NF EN 1991-1-3 : Actions générales – Charges de neige
  • NF EN 1991-1-4 : Actions générales – Charges du vent
  • NF EN 1991-1-5 : Actions générales – Actions thermiques
  • NF EN 1991-1-6 : Actions générales – Actions en cours d'exécution
  • NF EN 1991-1-7 : Actions générales – Actions accidentelles
  • NF EN 1991-2 : Actions sur les ponts dues au trafic
  • NF EN 1991-3 : Actions induites par les grues et les ponts roulants
  • NF EN 1991-4 : Silos et réservoirs

Ces normes définissent les actions pour la conception structurale des bâtiments et des ouvrages de génie civil, en particulier :

  • les poids volumiques des matériaux de construction et des matériaux stockés ;
  • le poids propre des éléments de construction ;
  • les charges d'exploitation (uniformément répartie ou ponctuelle) ;
  • les charges de neige, les effets du vent.

Les Annexes Nationales précisent les actions à appliquer en France telles que par exemple les charges de neige et des charges spécifiques d'exploitation.